Blog pour les amateurs de polars et thrillers...ainsi que pour ceux qui veulent découvrir la criminologie...
La médecine légale est la médecine au service de la justice, elle contribue à l’établissement de la vérité (= prétention de la médecine légale).
La naissance d’une discipline autonome de médecine légale date du XIXème siècle. (1720 première chair de médecine légale en Allemagne ; 1807 première chair de médecine légale à Edimbourg, angleterre ; 1937 premier département de Forensic science à Harvard, USA). Petit à petit l’idée qu’il faut recourir à des experts s’impose (reconnaissance de la médecine légale comme une spécialité ; 2001 : reconnaissance par le ministère d’une spécialisation en médecine légale en Belgique).
La médecine légale est, pour tout un chacun « la médecine de la mort », celle qui pratique les autopsies ou la levée de corps sur le lieu de découverte d’un cadavre. Mais elle est aussi une formidable « médecine du vivant » assurée auprès des victimes d’infractions ou des auteurs présumés, sur réquisition judiciaire et qui va de la simple consultation aux actes les plus sophistiqués comme la détermination des empreintes génétiques. Médecine légale et Justice forment un tandem indissociable au service des victimes.
Evaluation du moment du décès
La question du moment du décès se pose le plus souvent pour des raisons d’ordre criminel. Pour la police, cela permet d’orienter les recherches en fonction du moment du décès lorsque la personne n’est pas identifiée.
Sur le plan scientifique, la question du moment de la mort n’est réellement étudié
que depuis le siècle dernier. Les signes que le médecin observe apparaissent sur l’attestation de décès.
Trois signes immédiats attestent de la mort: l'arrêt respiratoire, l'arrêt du coeur et du fonctionnement circulatoire; la lividité ou paleur du corps.
Une fois la mort constatée, un certificat de décès doit être rédigé. Si un obstacle médico judiciaire est signalé, une autopsie aura lieu.
Selon des recommandations européennes (Conseil de l'Europe du 2/2/1999), une autopsie judiciaire devrait être pratiquée dans les cas suivants : tous les cas de mort non naturelle évidente ou
suspecte, en particulier :
On voit que les indications sont très larges et des avocats pourraient très bien reprocher au Parquet ou à un juge de ne pas avoir pratiqué une autopsie dans telle ou telle affaire.
En pratique, il est clair que le médecin (en son âme et conscience et indépendamment
de toute pression) doit cocher la case obstacle médico-légal du certificat de décès dans les cas de mort subite et/ou violente où la responsabilité d'un tiers pénalement responsable peut être
engagée. Ensuite en fonction des données de l'enquête, le Procureur décidera ou non d'un examen par un légiste voire d'une autopsie, c'est de sa responsabilité
A priori il n'y a pas lieu de cocher obstacle pour une mort très probablement accidentelle sans responsabilité d'un tiers.
La difficulté est que le médecin qui constate le décès est rarement le médecin de famille or le dossier médical peut aider à connaître la cause du décès.
Par contre si la victime n'est pas identifiée ou s'il s'agit d'un accident du
travail, les recommandations françaises actuelles sont de faire réaliser un examen médico-légal spécialisé.
La Lividité cadavérique
.
Les lividités débutent dans les 2-3 heures qui suivent le décès, mais le moment de l’apparition des lividités est influencé par la cause de la mort (par exemple, en cas de longue agonie, elles peuvent apparaître avant même l’arrêt respiratoire). Les lividités sont fixées (moment où l’on ne peut plus les faire disparaître localement) après 12 heures. Cette fixation se produit car, après un certain moment, les cellules des vaisseaux vont se disjoindre, le sérum puis les globules rouges vont donc s’échapper dans les tissus environnants. Avant la fixation, la pression fait fuir les dépôts de sédimentation fuient à gauche et à droite du vaisseau alors qu’après la fixation la pression n’a plus d’effet : Les lividités peuvent être confondues avec des ecchymoses, pour différencier, il faut inciser la peau.
Les lividités cadavériques se répartissent de manière caractéristique sur le cadavre : elles apparaissent d’abord sur le cou et s’étendent ensuite à d’autre régions de l’organisme vers la quinzième heure après le décès. Elles épargnent les points de pression: ainsi, sous l’effet de la gravitation, le sang d’une victime allongée s’accumule, s’immobilise et deviendra persistant sous la peau non comprimée des parties les plus basses.
La Rigidité cadavérique:
Il s’agit d’une décomposition bactérienne.
Momification du corps : On peut constater un phénomène de déshydratation (10-20 gr/jour) qui se manifeste par un brunissement du blanc de l’œil si la paupière reste ouverte ainsi qu’un voile sur la cornée (jusqu’à ne plus voir la couleur de l’œil). Le même phénomène se produit au niveau de la peau qui se rétracte sous l’effet de la déshydratation (les poils apparaissent alors plus longs). Dans certaines conditions (corps conservé dans un endroit à faible humidité), le dessèchement est très fort et rapide et il n’y a pas de phénomène de putréfaction. Le corps est orange-brun et la peau est extrêmement dure (au point qu’on finit par ne plus pouvoir transpercer avec un couteau) car elle se dessèche et se rétracte. Il existe également des phénomènes de momification très localisés, avec plaques parcheminées, en général en raison de facteurs mécaniques supplémentaires (p. ex. repose sur un sol sec). On peut confondre ces plaques avec un hématome ante-mortem (il faut inciser pour savoir).
Adipocire : Ce terme
désigne la consistance (cire) que les tissus adipeux peuvent avoir. Pour cela il faut une ambiance très humide (l’idéal étant un corps plongé dans l’eau) pendant plusieurs mois (eau froide). Le
processus est très lent (minimum 6 mois). La morphologie est souvent plus conservée qu’avec les autres modes de décomposition. La peau n’a plus beaucoup de consistance, tous les tissus graisseux
se sont transformés sous forme de savon (saponification) sous l’action d’enzyme. puis ils s’imprègnent de calcaire et deviennent comme de la craie humide. Les corps qui présentent cette
caractéristique ont une odeur très forte, typique, un peu acide .
Ensuite
Certains organes s'auto-détruisent très vite après la mort (par exemple le
pancréas à cause des ferments et enzymes présents à l’intérieur), c’est pourquoi il ne faut pas attendre longtemps avant de pratiquer une autopsie. Ce phénomène se voit surtout à l’examen
microscopique.
La première manifestation de la putréfaction est une tâche verte au niveau de l’abdomen (Coecum). Cette tâche provient de la vésicule biliaire qui est un milieu de culture et est donc remplie de bactéries provenant du corps (fermentation, etc.). Lors du décès, ces bactéries prolifèrent de façon excessive et gagnent petit à petit tous les organes (font bouger les liquides et contribuent à propager l’infestation post-mortem = mouvements intra-corporels post-mortem).
Ensuite, on aperçoit un lacis veineux (les veines superficielles apparaissent et sont brunes) qui est dû au fait que les veines gonflent sous l’effet des gaz de putréfaction (si seule une partie du corps présente ces signes, c’est que cette partie était plus exposée à la putréfaction, (par exmeple plus au chaud).
On assiste à un décollement localisé de
la partie supérieure de l’épiderme. La peau se soulève (comme une cloque) : il s’agit de l’apparition de vésicules contenant des sérosités (liquide) de décomposition (i.e. bactéries de la
putréfaction) qui vont s’ouvrir spontanément et libérer leur contenu (mauvaise odeur qui va empirer la situation en attirant les insectes nécrophages).
Enfin, le corps va gonfler sous l’effet des gaz de putréfaction (provenant des bactéries se trouvant dans le colon).
A terme, tout le corps deviendra verdâtre puis noirâtre.
Les phénomènes de décomposition sont deux fois plus lent dans l’eau (le maximum de la putréfaction est atteint à l’air libre en environ 5 jours, il faudra 10 jours dans l’eau). Un corps repêché dans l’eau est toujours putréfiés car le début de la décomposition a lieu au fond de l’eau puis le cors remonte à la surface sous l’effet des gaz de putréfaction (à la surface = mort depuis 10 jours).
Ces phénomènes sont quatre fois plus lent sous terre mais cela dépend de la qualité de la terre (le sable conserve mieux qu’une terre argileuse, p. ex.) et de la profondeur à laquelle le corps est enterré (à la surface il est plus accessible).
Les chats et les chiens sont les premiers prédateurs potentiels (surtout si la
personne est décédée dans un endroit clôt avec son animal qui va finir par avoir faim et manger son maître). Les rongeurs et les renards sont également des prédateurs potentiels.
Colonisation par les insectes : plusieurs escouades d’insectes qui viennent sur le corps, participent à sa
destruction et le quittent lorsque ce qui reste ne les intéresse plus
La première escouade est essentiellement constituée de diptères (mouches vertes, à
damiers, bleues…). Elle arrive quelques heures à peine après la mort, et à 20 °C les larves implantées dans le cadavre peuvent atteindre l’âge adulte en 2 semaines.
Les Mouches : Elles ont un appareil olfactif très développé qui leur permet de repérer un cadavre de très loin même lorsqu’il n’y a pas encore de putréfaction (elle colonise
parfois même des personnes qui ne sont pas mortes mais agonisent). Elles vident leur cargaison en œufs (1 pondaison = 100-200 œufs) car c’est dans ce milieu (chauds et humides) que les
larves pourront se développer correctement. Une fois les œufs pondus, les larves (petits vers) sortent dans les 24 heures et vont croître (rapport volumétrique = 1 à 800 ; taille adulte
en 8 jours) ce qui leur demande des apports énergétiques immenses (activité mutilante, destruction rapide du corps). Les larves se constituent autour d’elle une enveloppe (pupe) assez
rigide ; elles ont alors assez d’énergie pour subir la transformation vers l’insecte adulte qui sera capable de se reproduire.
Si on retrouve des pupes vides sur le cadavre, cela signifie que la mort date d’au moins 15 jours. Si
les insectes sont encore dans les pupes, la mort remonte à 8 à 15 jours. (Ces chiffres seront raccourcis en conditions particulièrement favorables, comme la canicule par exemple.).
On prélève des larves de différents types, à différents endroits dans l’idée d’essayer de reproduire les conditions de développement et de savoir de quels insectes il s’agit. A partir d’une
certaine température (en fonction des saisons), il n’y a plus de développement d’insectes possible.
Les larves s’intéressent d’abord à ce qui est mou (donc pas les vaisseaux, les nerfs, etc.), la lésion ressemble à une dissection chirurgicale (tendons et veines dénudés). Les mouches effectuent
une phagocytose centripète (à partir de l’endroit où elles ont été déposées).
• La deuxième escouade arrive après un mois, attirée par la décomposition des
matières fécales. Elle est composée de sarcophagiens et disparaît au 6e mois.
• La troisième escouade apparaît entre le 3e et le 9e mois et est constituée de dermestes (petits coléoptères) et parfois de lépidoptères, attirés par l’odeur de graisse rance.
Les autres escouades apparaissent successivement :
• Au 10e mois (escouade coryétienne).
• Vers 2 ans (escouade silphienne).
• Lorsque le corps n’est plus que poussière, après 2 ou 3 ans, les septième et huitième escouades achèvent le travail de leurs prédécesseurs. (pupes, excréments, insectes
morts)
La faune des cadavres inhumés est beaucoup moins abondante que celle d’un cadavre
laissé à l’air libre puisque les opportunités pour les mouches de pondre sur ce cadavre sont beaucoup moins importantes. Dans ce cas, seules se développeront des larves ayant pu entrer en contact
avec le cadavre. Il y a ainsi trois cas possibles :
• Les larves ont été pondues dans la chambre mortuaire de l’individu.
• Les larves ont été pondues dans une région proche de celle dans laquelle repose le cadavre.
• Les larves proviennent de la surface du sol, dans le cas où le cadavre a été enterré à même le sol, ou du cercueil en bois dans lequel repose la dépouille.
L’apparition de larves sur le corps du défunt dépend également d’autres circonstances :
• Intervalle de temps entre la mort et l’enterrement.
• Durée d’exposition du cadavre dans la chambre mortuaire.
• Présence d'un cercueil.
• Nature du cercueil (plomb ou bois).
• Profondeur de l’enfouissement.
La faune présente sur un cadavre inhumé est constituée de mouches et de coléoptères en majorité. Ils apparaissent là aussi successivement sur le cadavre, ce qui permet de dater la mort.
La faune des cadavres immergés :
On détermine approximativement le délai post mortem grâce la présence de certaines espèces aquatiques et de certaines espèces présentes habituellement sur le corps d’un cadavre trouvé à l’air
libre. On peut citer les insectes aquatiques qui, ainsi que leurs larves comme les larves de Trichoptères, infligent de sérieux dégâts au cadavres immergés. D’après une étude expérimentale faite
aux États-Unis et portant sur la succession des insectes et la décomposition des cadavres de porcs immergés, l’eau limite le nombre d’espèces présentes sur le cadavre, ainsi que les Arthropodes
nécrophages sur le cadavre. On trouve globalement un tiers des espèces présentes sur un cadavre à l’air libre.
La putréfaction du cadavre due aux bactéries et aux mycètes saprophytes accentuant
l’altération amorcée par l’autolyse, lyse des déchets que les bactéries minéralisantes feront rentrer dans le cycle des déchets de la biosphère. Soulignons que toutes ces modifications
post-mortem et leur succession sont influencées, c’est-à-dire accélérées ou retardées par de nombreux facteurs :
• Le volume du cadavre est important à considérer, l’altération est plus rapide pour un petit cadavre par exemple
• L’âge du cadavre.
• Les causes de la mort.
• Le lieu de dépôt.
• Les facteurs extérieurs : saisons, conditions météorologiques notamment la température et le degré hygrométrique, l'aération…, sont autant de points à considérer.